Anecdote rapportée par Gilbert Gaussorgues

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Contrairement au vieil adage qui prétendait que les cancres s’épanouissaient au fond de la classe, près du radiateur, j’avais délibérément choisi ma place au premier rang, tout contre le bureau du prof – surélevé par une estrade en bois – de telle manière qu’il était impossible de me voir depuis la place de l’enseignant assis à son bureau.

C’est dans ce contexte de furtivité que j’ai échafaudé un plan machiavélique à  l’encontre du « Gaucho », surnom qui nous avions donné à notre prof de Français en raison de ses tressautements sur son siège où il semblait parcourir la Pampa…. En fait, très peu sensible à ce qui se passait dans la classe, il corrigeait des copies en les annotant avec son stylo à plume trempé dans son encrier waterman, vous savez ces encriers de forme trapézoïdale qu’on pouvait incliner pour récupérer les dernières goûtes d'encre….

Ce récipient d’encre rouge posé sur le bureau du prof, juste au-dessus de ma tête, a réveillé en moi l’esprit facétieux qui m’a toujours habité !

J’élaborais donc un plan minutieusement préparé…

J’avais retenu des cours de Chimie que le permanganate de potassium avait des vertus oxydantes et pouvait servir de décolorant pour les taches d’encre. Ma passion pour la Chimie fut de courte durée, mais surtout ciblée sur son aspect étrange, telle la décoloration d’une encre. J’ai donc préparé mon plan en approvisionnant du permanganate de potassium auprès d’un oncle professeur émérite à la Faculté de Pharmacie à Montpellier, qui fut très fier de contribuer au développement de la passion de son neveu pour la Chimie !

J’ai alors préparé une fiole de permanganate que j’avais étiqueté « urine de girafe » … Je ne sais plus pourquoi… mais j’avais trouvé ça rigolo.

La mise en œuvre de mon plan supposait que le « Gaucho » descende de son

« cheval » pour faire un tour dans la classe, et au moment opportun, verser le précieux liquide dans l’encrier.

 Ce fut ainsi que se déroulèrent les évènements, la réaction chimique fut rapide, l'encre était devenue transparente comme de l'eau, et c'est en retournant à son bureau afin de reprendre ses corrections que le prof s'aperçu du sabotage de son encre rouge.
Il entra alors dans une colère noire, et se penchant vers moi par dessus son bureau, me déclara d'une manière fort comminatoire que ce n'était pas la peine de faire intervenir ma mère, et même ma grand mère pour atténuer la gravité des faits...Je n'ai toujours pas compris l'allusion à ma grand mère sur ce coup.
Je savais qu'il rencontrait ma mère de temps à autre lors de manifestations "Arts et Lettres".... Mais il n'a jamais été question de mon comportement facétieux.

 

 

Anecdote vécue et rapportée par Jean-Pierre DELAROQUE

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Une histoire vraie de JBD : j'étais en 5ème chez Mr RAMPON, professeur de français latin histoire géo, avec lequel mes relations étaient médiocres. En fin d'année je faisais ma retraite pour la première communion dans un local de la cour de gym. Celà durait me semble-t-il 3 ou 4 jours.

De retour en classe le vendredi, Mr R. m'informe d'une composition de géographie pour le lundi. Je n'en dis rien chez moi car il m'était promis un meeting aérien à Courbessac pour le week-end.

Je ne révise rien et la compo du lundi fut catastrophique. Mon excuse fut de dire à mes parents que je n'avais pas été averti!

Mon père s'en alla trouver le prof, lequel lui dévoila l'histoire. Imaginez le retour à la maison puis au lycée le lendemain où je fus placé au fond de la classe.

Vengeance: la veille de la sortie, muni de poil à gratter et de poudre à éternuer au creux de la main, je me lève de ma chaise, me dirige vers le bureau du prof et lui souffle le tout sous le nez.

Mise immédiate à la porte de la classe et ensuite conseil de discipline: exclu du lycée!

Après de dures négociations de mon père avec le proviseur Pagis, j'ai pu rester à JBD au prix du redoublement.

 

Epilogue: près de 40 ans plus tard, Mr Rampon, en retraite à St Etienne Vallée Française, malade, me téléphone au cabinet un samedi matin, ne trouvant pas de médecin près de chez lui. Sans rancune des deux côtés, nous nous sommes donc revus et avons pu à cette occsion évoquer des souvenirs communs.

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Anecdote rapportée par Etienne KRETZSCHMAR

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Ce n’est pas une anecdote, mais une sorte de réflexion. Né en janvier 44, je pense n’être entré dans le vénérable lycée Jean Baptiste Dumas qu’à la rentrée de la 6° soit en septembre 54. Je crois qu’à l’époque, il convenait de participer à une sorte de concours départemental afin d’obtenir une bourse. Dans toute ma carrière, c’est la seule fois que j’ai obtenu la meilleure place. Vu de l’école Mistral, le Lycée où se rendait déjà mon frère aîné m’apparaissait comme un monde à la fois fascinant et effrayant. L’un de mes petits copains aux louveteaux protestants, y accomplissait déjà sa scolarité primaire. Nous avons presque tous eu son papa comme professeur de lettres. Mais je voulais parler de ce monde inconnu.

 

J’habitais juste à côté de l’école Mistral. Il n’y avait que deux pas pour entrer dans la cour de l’école. Sur l’arrière de la Maison du Protestantisme, on pouvait voir des classes au travail ! Quand nous jouions au ballon, il fallait faire gaffe de shooter plutôt chez les curés que dans la cour de l’école, et ne parlons pas de la Poste ! Au Lycée, ma première surprise fut arithmétique. Je découvris, au dessus de la porte qui s’ouvrait sur ces classes solennelles, un chiffre inconnu : °11°, 10°, 9°, etc. J’ignorais tout de la signification de ces numéros. Je pense même dans un premier temps les avoir interprétés à l’envers, croyant qu’il me faudrait au bout d’interminables années parvenir à la 12 ou 13° classe, où je pourrais enfin accéder à l’Université !

 

Je n’ai que peu de souvenirs précis des premières années de Lycée (donc dans l’ancien !). Ou alors ils ne sont pas racontables. Je me souviens que ma mère m’a conduit devant le Proviseur, qui me menaçait du Conseil de discipline, afin de lui demander si lui-même, ou le professeur qui m’avait surpris, n’avait jamais connu de problèmes d’hormones adolescentes !

 

Non, le choc fut le déménagement dans le nouveau Lycée des Prés Saint-Jean. De fait, tout avait changé, et rien n’avait changé. Un immense HLM et les mêmes professeurs, aussi dépaysés que nous, les élèves. Je ne sais pas qui en a été le plus affecté. Il me semble qu’alors, (c’était ma rentrée en seconde classique), j’ai commencé à porter un regard un peu critique sur la façon d’enseigner de nos professeurs. Peut-être était-ce le changement de cadre. Tout d’un coup, les rituels qui étaient à l’œuvre dans l’ancien Lycée, nous respections l’un, nous chahutions un autre, on redoutait les grands internes, c’était difficile d’aller acheter un carambar à la récré de 10 heures, etc., tout d’un coup, les enseignements sont devenus ringards, un peu poussifs. J’en viens à plaindre un peu les professeurs qui ont eu à subir ce déménagement, tant le cadre, l’architecture, les cours ombragées, le volume des classes, l’odeur de poussière des craies et des murs dans le bâtiment disparu respiraient l’autorité et le verbe magistral.

 

Je n’ai jamais rien compris aux mathématiques (je sais pourtant qu’en grec ta mathemata signifie ce que l’on peut apprendre !) mais, à la réflexion, je crois que ces quelques années d’études dans le nouveau Lycée (59-62, si je ne me trompe pas !) me laissent le souvenir ambigu, celui de professeurs et d’élèves un peu dépaysés, privés de cadre. J’ai mesuré, je crois, ce manque en retrouvant dès l’année d’hypokhâgne le Lycée Joffre à Montpellier, puis le Lycée Daudet à Nîmes pour mes premiers stages d’enseignant. On ne change pas l’école d’un trait de plume, encore moins à coup de pelle mécanique.

 

Etienne KRETZSCHMAR.

 

 

 

 

Anecdote rapportée par Paul BRUN

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    O ! Tempora  O ! Mores *1

J’ai passé dix ans  au lycée JBD dans les locaux anciens et je ne me suis jamais consolé (bien que mon cœur s’en soit allé*2)   qu’ils aient été abandonnés,.


Lors de mon entrée chez les grands, en sixième,  dès le premier rassemblement de la classe chez Mme Raout,  j’étais consterné d’avoir perdu la plupart  de mes camarades de l’école primaire.
Mais rapidement je me suis  rapproché de deux élèves de ma classe. L’un  Jean Pierre sympathique et élancé dans sa blouse grise d’interne  venait de Saint Etienne de Lugdares et l’autre Bernard, très expansif, avec lequel je jouais au football en pupille à l’Olympique d’Alès.


Lors de la première composition de français M. Guiraud, notre professeur,  nous  donna un sujet qui serait  aujourd’hui : impossible à proposer » raconter la visite au cimetière d’une famille pour la Toussaint ».
Quelques jours avant la correction des  copies, Bernard qui avait été sélectionné pour la finale du concours  national du jeune footballeur réussit à s’y imposer comme un des  meilleurs jeunes français. Le  Midi Libre déjà à la pointe de l’information lui consacra un article.


Bernard en fut fier mais son triomphe fut terni par les résultats de la composition :
 Jean Pierre, sûrement privilégié  par la culture religieuse de sa famille ( un de ses oncles n’était il pas curé à Saint Martin de Valgalgues,) avait fait un très bon travail. En revanche, Bernard,  sûrement d’une famille moins pieuse reçut une moins bonne note.


 M. Guiraud  eut alors cette réflexion  paradoxale  dans la bouche d’un professeur de français :
« Bernard tu es bon au football et deviendras sûrement international mais ça  serait  mieux  que tu deviennes international en français »
M. Guiraud avait le nez  fin


 Bernard plus connu sous son nom patronymique Bosquier est devenu capitaine de l’équipe de France de Football, quant à Jean Pierre il est devenu haut fonctionnaire après avoir réussi à l’ENA.
Mais ce soir je me pose une question : aujourd’hui  n’est ce pas Jean Pierre que M. Guiraud interpellerait  ainsi :
« Jean Pierre tu es bon en français mais cela serait mieux que tu deviennes international au football. »
Sic transit Gloria Mundi*2

 

*1*2  dédié à ceux qui nourris de latin ne sont  morts de faim 
*3   merci Verlaine

 

 


Courrier adressé à la Confédération des JBDéens par René Charaix

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